Quand je fais des sondages en story sur Instagram pour demander aux personnes qui me suivent quelle partie de leur roman elles préfèrent écrire, j’observe une constante :
Tout le monde vote pour le premier et le troisième acte.
Quasiment jamais pour le deuxième.
Cet acte plus long que les deux autres, qui représente la zone centrale de votre roman (les deuxième et troisième quarts), est souvent mal aimé.
Parce qu’il est le lieu où nous avons à développer pleinement notre histoire.
Après l’effervescence de l’élément perturbateur et avant la crise du climax.
Face à notre ordinateur, au moment d’entrer dans cette phase du récit, on peut se sentir un peu comme au seuil du désert de Gobi.
Avec des pages et des pages de traversée à accomplir jusqu’au climax.
C’est assez vertigineux.
Pour autant, cela peut aussi être excitant.
Si l’on envisage les choses en termes de potentialités.
Car c'est dans cette portion du roman que votre personnage principal va véritablement se confronter aux obstacles de votre intrigue, et vivre des expériences transformatrices.
Aujourd’hui, dans Le Lab, ma newsletter hebdomadaire, j’ai envie de partager avec vous 4 éléments clés à garder en tête au cours de l’écriture de votre deuxième acte.
#. Clé 1 : Le midpoint est votre boussole
Le midpoint, c’est le point médian.
Le milieu de votre histoire.
Situé à 50 % du récit, donc.
Et c’est un lieu particulier.
Un point pivot.
Sur le plan de l’arc trajectoriel, il correspond au pic, ce moment où la montée se termine et la courbe s’inverse.
Votre protagoniste a tenté de s’adapter à une situation nouvelle (déclenchée par un événement perturbateur au début de votre livre) avec ses vieux schémas de fonctionnement.
Sans succès.
Jusqu’à l’épuisement.
Et lors du midpoint, il va soudain connaître une prise de conscience.
Commencer à distinguer quelque chose du besoin profond insatisfait qui l’habite.
C’est un véritable point de bascule.
Côté intrigue, il se produit classiquement une sorte de « victoire », de réussite, qui lui fait faire un pas vers le changement.
Ou encore un événement qui le conduit à lâcher prise.
Une perte de contrôle, permettant l’émergence d’une créativité nouvelle.
Par exemple, dans mon roman « La journée de l’amour et de la lessive », la mère de famille, Jessica, craque sur l’épaule de son mari pour la première fois au point médian, ce qui mène ce dernier à prendre conscience qu’elle porte beaucoup et qu’elle a quelque chose de lourd sur le cœur, dont elle ne lui parle pas.
Suite à cela, il pose un acte fort et inattendu dans l’intrigue.
Le midpoint commence, ainsi, à propulser l’histoire vers sa résolution.
Bien sûr, tout cela est à moduler en fonction de ce que vous souhaitez construire.
Je vous décris ici de grandes lignes classiques en narratologie.
Mais dans tous les cas, vous le voyez : le point médian structure profondément votre deuxième acte.
Et en le posant clairement, telle une balise, vous aurez moins l’impression de marcher dans le désert.
#. Clé 2 : Bye bye bisounours
Vous le savez peut-être si vous me suivez depuis quelque temps, je répète souvent que beaucoup de personnes qui écrivent, même aguerries, ont tendance à souffrir (gravement 😉) d’un « syndrome du bisounours ».
Ce syndrome se manifeste par une frilosité lors de l’élaboration des conflits narratifs, des moments durs pour le protagoniste.
Il est lié à la difficulté qu'ont beaucoup d'auteur(e)s à malmener leur personnage.
Vous êtes gentil(le), empathique.
Et – souvent sans vous en rendre compte – vous ménagez trop vos personnages au cours du deuxième acte.
Vous n'intensifiez pas assez leurs problématiques.
Vous ne les laissez pas suffisamment mariner dans les obstacles ou les états émotionnels douloureux.
Ce qui ramollit le roman.
Cela tient parfois à de petites choses.
Une phrase peut suffire.
Par exemple, si j’écris :
« Ils avaient passé la soirée à se disputer, chacun campant sur ses positions, un grand festival de reproches et de mauvaise foi », et que j’enchaîne sur « mais elle savait que la tempête ne serait que passagère », je suis déjà en train de me muer en bisounours.
Et je dois d’urgence me retenir d’apaiser le conflit narratif.
Laisser le personnage ruminer la dispute.
Douter de la force du lien.
Soyez donc attentif, attentive à ces moments où vous vous dites « oh non, quand même pas », « ce serait y aller trop fort ».
C'est en général le signe qu'il faut y aller 😉.
La meilleure façon de transmettre à votre lectorat tout l'intérêt et l'enthousiasme que vous éprouvez vis-à-vis de votre protagoniste, c'est de ne pas le ménager.
Une situation douloureuse ne doit jamais rentrer dans l’ordre en deux lignes.
Avoir cette vigilance donnera du dynamisme à votre deuxième acte.
#. Clé 3 : Une marche après l’autre, de pire en pire
Au cours de votre deuxième acte, vous allez créer des conflits narratifs.
En posant des obstacles sur le chemin de votre protagoniste.
Une image intéressante, pour modéliser ce processus, c’est celle de « l’escalier du pire ».
(Ne cherchez pas l’expression dans un livre de narratologie, je viens de l’inventer 😅).
Figurez-vous chaque obstacle comme une marche.
Et dites-vous que plus votre personnage avance, plus ces marches doivent devenir instables, hautes, glissantes.
Les petites marches aisées à franchir sont à placer au début uniquement.
Car elles ne seraient plus intéressantes si elles arrivaient à la suite des marches les plus abruptes.
Une telle structure ferait retomber la tension comme un soufflé mal cuit.
Pour maintenir l’intérêt du lecteur, chaque difficulté doit sembler plus corsée que la précédente.
#. Clé 4 : Prenez garde aux passages faibles
Les passages faibles, ce sont tous ceux au cours desquels votre protagoniste est trop passif.
Lorsqu’il se laisse ballotter par les événements.
Il réagit au lieu d’agir.
Dans un roman, c’est problématique.
Car cela donne au lectorat une sensation confuse de manque de vivacité dans le récit.
Il suffit d’imaginer Harry Potter se contentant en permanence de suivre ses camarades pour enfreindre le règlement.
Ou Katniss, dans Hunger Games, ne prendre aucune initiative dans l’arène.
On comprend immédiatement l’intérêt de concevoir un personnage très actif au cours du deuxième acte.
Et c’est valable dans tous les genres romanesques.
Si vous repérez que vous êtes en train d’écrire un passage faible, deux options s’offrent à vous :
Le transformer pour donner à votre personnage les rênes des événements.
Ou bien le supprimer (sans pitié 😉).
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