• Apr 3, 2025

Trouver votre style d'écriture

"Savez-vous quel âge j’aurai quand je saurai vraiment écrire ?"

Trouver un style d’écriture personnel et saisissant.

Une voix unique.

Voilà l’une des préoccupations de beaucoup d’auteur(e)s.

Aujourd’hui, dans Le Lab, j’aimerais aborder 4 idées pour améliorer votre style.

#1. Écrire beaucoup et s'autoriser à "mal" écrire

Pour commencer, je peux vous parler de mon expérience personnelle.

J'ai mis des années à écrire mon premier roman.

Parce que je butais sur chaque phrase, que je cherchais en permanence "le" mot juste.

Avec le temps, je me suis rendu compte qu'accélérer la cadence ne changeait pas grand-chose à ce qui me venait.

Cela générait d'ailleurs souvent des fulgurances intéressantes.

Et il m'était toujours possible de reprendre le texte pour le ciseler, ensuite.

Je suis désormais convaincue qu'améliorer son style nécessite d'écrire en quantité.

C'est en travaillant sur le papier, en expérimentant, en testant de nouveaux sentiers, que nous pouvons nous découvrir.

Mais pour cela, il faut accepter de démarrer de là où nous en sommes, même si ce que nous écrivons ne nous satisfait pas pleinement.

C'est temporaire.

Comme le dit Élisabeth Gilbert dans son best-seller, « Libérez votre créativité » :

« Donnez-vous la permission d’être un débutant. En acceptant d’être un mauvais artiste, vous avez une chance de devenir un artiste et, peut-être avec du temps, un très bon artiste. Quand je traite ce point en cours, je rencontre immédiatement une hostilité défensive : « Mais savez-vous quel âge j’aurai quand je saurai vraiment jouer du piano/peindre/écrire une pièce de théâtre décente ? » Oui … vous aurez le même âge que si vous ne le faites pas. Donc, commencez. »



#2. Écrire à l'oreille

Gilles Deleuze disait dans Critique et clinique que la littérature propose "des effets de couleurs et de sonorités qui s'élèvent au-dessus des mots".

Je trouve cette phrase belle et juste.

On peut y entendre quelque chose comme : Le tout est supérieur à la somme des parties.

Un texte est une forme qui se déploie dans de multiples directions.

Que chaque lecteur, chaque lectrice s'approprie à sa manière.

C'est ce qu'on appelle en narratologue la fabula (le mot en lui-même est déjà magnifique, non ? 😊).

Le monde narratif correspondant à l'histoire racontée.

Qui n'est pas une propriété stable du texte, mais une construction de sens élaborée par le lectorat.

Pour le dire autrement : vous racontez l'histoire, ils/elles bâtissent leur fabula.

Et plus vous ferez de votre récit un mille-feuille de sonorités, de couleurs et de ramifications, plus cette fabula sera riche.

Pour améliorer votre style, vous pouvez chercher à écrire comme on peint, comme on compose de la musique.

En cela, lire de la poésie peut vraiment être très nourrissant pour un(e) romancier(e).

En ce moment, je lis le dernier recueil de Milène Tournier, "Et m'ont murmuré les campagnes".

Un ensemble de poèmes courts ou plus longs, écrits par l'autrice au gré de son parcours dans la campagne.

Qui se lit avec les yeux autant qu'avec les oreilles.

"La lessive goutte au fil d'étendage

Au-dessus des hortensias mauves,

Ça sèche et ça arrose."

C'est inventif, c'est beau, c'est percutant, plein de trouvailles originales.

Je vous le recommande vivement.



#3. Explorer un point de vue sensible

J’ai déjà eu l’occasion, dans de précédents newsletters, de vous parler de phénoménologie.

Ce courant de philosophie qui appréhende l'expérience vécue en s'intéressant aux phénomènes.

Et qui constitue l'une des racines de la Gestalt-thérapie.

Un phénomène, en grec, c'est "ce qui se montre".

Et cela parle à la fois de ce qui est vu, et de la personne qui voit.

L’objet et le sujet.

C'est primordial, quand on écrit, car nous sommes parfois formatés – par l'école, la vie professionnelle – à écrire d'une manière neutre, journalistique.

À ne parler que de "ce qui est vu", en oubliant la personne qui voit.

Or, pour devenir vivant, riche, un texte doit être imprégné du point de vue sensible du personnage.

Si je dis :

"La nuit est passée, et nous avons quitté le village de Seine-et-Marne où nous étions bloqués par la neige, pour revenir à Paris sous un ciel couvert."

Ce n'est pas la même chose que :

"La nuit est passée et nous voici libérés de notre prison de neige, de retour dans la douce grisaille de Paris" (extrait de mon roman Le millième jour de la marmotte).

Parce que dans le deuxième cas, les mots viennent nous dire quelque chose de l'expérience de la narratrice.

La grisaille est douce, la neige semblable à une prison.

Les phénomènes ne sont pas juste constitués de neige ou d’un ciel couvert.

Ils sont aussi modelés par la manière dont le personnage les perçoit.

Pour enrichir votre style, une piste consiste ainsi à travailler sur votre perception du monde.

À étoffer ce qu'on appelle, en psychologie, votre "palette sensible".



#4. Sortir des clichés

Un problème fréquent dans les manuscrits d'auteur(e)s débutant(e)s, c'est l'usage de poncifs, de clichés.

Des expressions vues et revues, qui appauvrissent le texte.

"Une pincée d'aventure et un zeste d'amour".

"Il avait des yeux pétillants de malice".

"Elle fut envahie par une tornade d'émotions".

Travailler à améliorer son style, c'est tâcher sans relâche de sortir des chemins convenus.

Ce n'est pas la même chose de dire :

"Ses paroles tombèrent comme un couperet et elle s'effondra, noyée dans un océan de larmes."

Ou "À peine avait-il prononcé ces mots qu'elle éclata en sanglots, le cœur en miettes."

Que d'écrire :

"Les mots agirent comme des pistons. Mes yeux se remplirent de larmes crépusculaires, lesquelles débordèrent et m'inondèrent le visage".

(Extrait de Sans moi, de Marie Desplechin).

Dans le 3ème cas, observez de quelle manière l'autrice joue avec les noms communs, les adjectifs, les verbes.

Pour créer des images neuves, originales et saisissantes.

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1 comment

Louise RodriguezMay 10

Merci pour cette analyse enrichissante ! Les exemples donnés aident vraiment à se rendre compte de ce dont vous parlez. Mais je me demande, quels genre d’exercices permettraient d’améliorer notre style d’écriture ? Dans le cas où nous n’aurions pas de « mentor » pour nous montrer nos faux-pas (ou piste à creuser), comment pourrions-nous approfondir notre sensibilité au mots ? Lire d’autres oeuvres est-il suffisant ?

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